Une inflation sans précédent, de l’ordre de 10 % en 2024
En 2024, nous sommes confrontés à une inflation sans précédent, estimée à environ 10 %. La Mutualité a révélé une augmentation de 8,1 % des cotisations des tarifs des complémentaires santé (et de 7,3 % pour les contrats individuels(1) uniquement) en 2024 par rapport à 2023.
Cependant, la réalité vécue par les consommateurs est différente. La Mutualité, comme toujours, raisonne à « âge théorique constant », c’est-à-dire que ses chiffres ne prennent pas en compte les augmentations liées à l’âge. Les cotisations augmentent avec l’âge de l’assuré, ce qui entraîne une hausse de 2 à 3 points supérieure à celle à âge constant.
En moyenne, les consommateurs(2) subiraient donc une augmentation de l’ordre de 10 %, voire plus si l’on considère que cette hausse est supérieure à 10 % pour 8 consommateurs sur 10 qui nous ont transmis leurs appels à cotisation.
De plus, cette moyenne dissimule des augmentations bien plus significatives, en particulier pour les retraités, avec des hausses de 25 % et même de 30 %. Par exemple, pour un couple, l’augmentation de la cotisation mensuelle pourrait atteindre 60 €, soit 720 € par an !
Enfin, cette flambée des prix, qui prolonge une tendance haussière déjà ancienne, a des conséquences encore plus graves pour la prise en charge des soins. Selon nos relevés, pour un usager donné, cette nouvelle augmentation moyenne des mensualités représente plus de 40 % depuis 2018, contre 17 % pour l’inflation, soit plus du double !
La Sécurité sociale continue de transférer les dépenses sur le secteur privé, mettant ainsi les patients dans une situation difficile
Le Gouvernement joue un rôle incontestable dans cette envolée des prix : pour éviter d’accroître les dépenses publiques de l’Assurance maladie obligatoire, il effectue des transferts progressifs d’actes vers le secteur privé(3). Au final, c’est l’usager qui paie la note, via sa cotisation à la complémentaire santé pour les 96 % de patients qui en disposent, puisque ce sont ces cotisations qui financent les remboursements.
Moins de 75 % des cotisations aux complémentaires reviennent aux assurés sous forme de remboursements, contre 96 % pour l’Assurance maladie
Dans un contexte de hausse des tarifs des complémentaires santé, il est plus que jamais indispensable de s’assurer que ces dernières redistribuent sous forme de remboursements de soins la part la plus large des sommes prélevées au titre des cotisations. Pour faire toute la transparence sur cet aspect, l’UFC-Que Choisir a demandé et obtenu dans la loi relative à la résiliation infra-annuelle de 2019 que les complémentaires communiquent les taux de redistribution. Nous avons vérifié l’effectivité de la mesure et dressé un état des lieux des taux de redistribution auprès des principales complémentaires .
Si les organismes étudiés respectent leurs obligations légales de faire figurer ces données sur leurs devis, ils ne facilitent pas leur consultation par les consommateurs (à l’exception de quelques bons élèves, Pro BTP et Harmonie mutuelle, qui affichent le taux de redistribution sur leur site). Ainsi l’UFC-Que Choisir a dû quasi-systématiquement renseigner des données personnelles et éplucher de nombreux documents, parfois téléphoner, pour accéder à l’information : un vrai parcours du combattant. En outre, des doutes importants subsistent sur la valeur des chiffres communiqués. En effet, seuls 7 des 23 organismes étudiés indiquent qu’il s’agit des derniers taux disponibles (soit pour l’année 2022).
Les taux de redistribution sont très variables entre types d’organismes complémentaires :
En effet 89 % des cotisations aux complémentaires santé gérées par des institutions de prévoyance sont reversées sous forme de remboursements, contre 80 % pour les mutuelles et 78 % pour les assurances (4). Sur la base des éléments que nous avons pu recueillir, ces taux varient très fortement entre organismes (et organismes du même type) sur les contrats individuels :
Chez Mobilité Mutuelle, ce taux s’établit à 88.1%, cela signifie que pour 100 € HT de cotisations perçues, 85.9 € sont dédiés aux prestations de nos adhérents. 11€ sont quant à eux dédiés aux frais de fonctionnement de la mutuelle, cela correspond à un taux de frais de gestion de 14.4%.
Fidèle à nos valeurs, cela démontre notre engagement et notre mobilisation sans faille pour l’ensemble de nos adhérents.
Des coûts de gestion et des stratégies de marge nuisibles aux consommateur
Malgré l’uniformité des contraintes du secteur (périmètre du 100 % santé, volume et tarifs des soins, etc.) pour tous les acteurs, les écarts de taux de redistribution suscitent des interrogations. Ces différences peuvent être attribuées à au moins deux facteurs : des frais de gestion qui varient considérablement entre les acteurs, et des objectifs de marge distincts.
Ces frais de gestion fluctuent grandement entre les complémentaires, allant de 10 % (Pro BTP) à 28 % (April). Une complémentaire ayant un mode de vie coûteux aura naturellement moins de ressources à allouer à ses clients pour leurs remboursements ! Elle en aura encore moins si son but est de réaliser des marges nettes extrêmement élevées, comme cela semble être le cas pour les trois complémentaires affichant les taux de redistribution les plus bas.
Globalement, les frais de gestion restent en moyenne très élevés. Ils stagnent autour de 20 % des cotisations collectées (contre 4 % pour la Sécurité sociale) : ils ont même légèrement augmenté entre 2011 et 2022, sur l’ensemble des contrats, ainsi que sur les contrats individuels (+1 point). Pendant la même période, le nombre d’organismes complémentaires a pourtant diminué, passant de 1 074 à 664 (soit une baisse de 38 %). Il est donc évident que la concentration du secteur ne s’est pas traduite par une rationalisation, ni par des économies d’échelle au profit des assurés.
Dans le but de protéger le pouvoir d’achat des patients et d’obtenir une tarification équitable des complémentaires santé, l’UFC-Que Choisir exige :
- Une amélioration obligatoire de la clarté des contrats de complémentaires santé, pour permettre aux consommateurs de comparer efficacement les offres ;
- Une transparence totale sur les frais de gestion et les taux de redistribution, qui devraient être obligatoirement affichés sur le site web des complémentaires santé, en plus des documents déjà concernés par leur publication, ainsi que l’historique de ces taux pour montrer leur évolution dans le temps ;
- Une meilleure surveillance du périmètre des complémentaires et du 100 % santé, avec une véritable consultation des représentants des usagers, afin d’éviter une inflation incontrôlée des tarifs.
- De plus, l’association rappelle aux consommateurs qu’ils ont la possibilité de résilier leur contrat après un an pour choisir une offre plus avantageuse.
Notes
(1) Les salariés du privé sont obligatoirement couverts par un contrat collectif depuis 2016 ; les contrats individuels concernent essentiellement les retraités, les agents du service public, les travailleurs indépendants et les étudiants.
(2) L’inflation réellement subie par les usagers, c’est-à-dire l’évolution entre leur cotisation 2023 et leur cotisation 2024 à offre inchangée, recouvre à la fois l’augmentation des tarifs à âge théorique égal, et celle qui leur est appliquée en fonction de l’âge, du fait de leur vieillissement.
(3) Par exemple, depuis octobre 2023, les soins dentaires ne sont plus pris en charge qu’à 60 % par l’Assurance maladie obligatoire, contre 70 % auparavant, et les autorités ont annoncé pour 2024 une intégration des prothèses capillaires pour les malades du cancer ainsi que des fauteuils roulants au périmètre du 100 % santé (zéro reste à charge après remboursement des complémentaires).
Source : amp-quechoisir-org