Le tabac ne doit pas être un sujet tabou
Spécialiste des enjeux de santé publique et élu Doyen de l’UFR Simone Veil – Santé de l’Université de Versailles St Quentin en Yvelines, Loic Josseran répond à nos questions dans le cadre du Mois sans tabac.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous expliquer votre rôle ?
Professeur, médecin et chercheur en santé publique, j’ai suivi mes études de médecine à l’université de Bordeaux II puis à Rennes I. Actuellement Président de l’ACT- Alliance Contre le Tabac
qui est depuis plus de 30 ans le porte-parole des différents acteurs de la lutte contre le tabac, je suis de ce fait très mobilisé sur ce sujet. Mobilisé bien évidemment sur le plan sanitaire mais aussi sur la dimension environnementale, politique et économique.
Le sujet de notre échange aujourd’hui est le Mois sans tabac, pouvez-vous nous rappeler quel est son objectif ?
En préambule, il faut rappeler que le tabac est la première cause de mortalité évitable en France avec plus de 75 000 morts par an, il est donc nécessaire d’agir pour lutter contre ce fléau comme le fait justement l’opération Mois sans tabac.
Le Mois sans tabac est une opération lancée par Santé publique France et le Ministère de la Santé et de la Prévention en 2016 visant à faire prendre conscience de la nécessité de s’arrêter de fumer grâce à une logique d’entraide collective. Au-delà de cette finalité, le but est de faire réfléchir à sa consommation de tabac, sur son arrêt éventuel, et puis si ce n’est pas le mois de novembre qui sera sans tabac ce seront peut-être les suivants. L’essentiel est avant tout de rentrer dans une dynamique conduisant à l’arrêt.
Avant d’atteindre l’arrêt total du tabac, passe-t-on par différentes phases ?
Oui, et notamment chez les jeunes fumeurs, on se trouve tout d’abord dans une première phase qui est « je fume et je n’ai pas envie d’arrêter » alimentée par un sentiment d’immortalité. Puis progressivement on mature, comme une petite lumière qui s’allume dans un coin de sa tête et qui est souvent suivie du passage à l’acte. Ce passage à l’acte, il faut de la motivation et souvent un élément déclencheur qui peut justement être le Mois sans tabac.
Et si ça ne suffit pas, ce n’est pas une fin en soi, en effet cela a été démontré à de multiples reprises dans les mécanismes psychologiques liés à la dépendance, on rentre dans un cycle positif qui avance et qui conduira à l’arrêt. Si on ne s’est pas arrêté la première fois on pourra s’arrêter la deuxième, ce qui est certain, c’est qu’on ne reviendra jamais en arrière à un stade de fumeur insouciant et épanoui.
Quels conseils donneriez-vous pour arrêter de fumer ou du moins limiter sa consommation de tabac ?
Tout d’abord, il faut savoir que réduire sa consommation de tabac ne change rien au risque. Ce qui fait la dangerosité du tabac ce n’est pas la quantité fumée mais plutôt la durée de consommation, et quand j’évoque le risque, je parle du risque cancer et/ou cardiovasculaire. Ensuite il ne faut pas tomber dans le piège de la cigarette électronique au long terme et d’autant plus lorsque la cigarette « classique » est couplée avec elle. Dans ce cas on devient vapo-fumeur et on reste complétement exposé aux risques du tabac même si on pense bien faire en fumant moins de cigarette. La cigarette électronique ne doit pas être une alternative sur le long terme, il peut s’agir d’une aide au sevrage mais le « vapotage » doit avoir un début et une fin. En tout état de cause et à l’heure actuelle, nous n’avons pas un recul suffisant pour mesurer l’effet de ces nouveaux produits sur la santé. De plus, dans l’immense majorité des cas ils sont fabriqués en Chine dans des conditions non-maitrisées ne garantissant donc pas une sécurité et transparence sanitaire.
En conclusion, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide aux professionnels de santé compétents afin d’être accompagné. Médecins tabacologues, infirmières tabacologues, sages-femmes tabacologues (pour les femmes enceintes). Certains kinés s’orientent également vers la tabacologie tout comme certains pharmaciens. Enfin il ne faut pas oublier Tabac info Service au 39 89 qui peut apporter une aide précieuse.