Le harcèlement au travail : comment réagir ?
Harcèlement moral, harcèlement sexuel, brimades à l’oral ou violence physique : l’environnement de travail n’est pas exempt de situations graves. En plus d’être pénalement répréhensibles, ces faits ont des conséquences sur la santé et l’avenir professionnel des victimes. Directement concerné ou témoin d’un harcèlement, que l’auteur soit l’employeur, un chef ou un collègue, comment réagir ? Vers qui se tourner ? Alerter la Direction, saisir la justice ? Cet article vous guide.
Contexte du harcèlement au travail en France
Ces dernières années, la question du harcèlement, en particulier sexuel via le mouvement Me Too, fait la une de l’actualité. Mais cela ne concerne pas seulement les personnalités connues : beaucoup de ces faits ont aussi lieu dans le cadre professionnel « classique ».
Selon les chiffres du Baromètre Qualisocial en 2022, 1 femme sur 3 se dit victime de harcèlement dans la population. Dans l’enquête, le focus se situe dans le domaine de la banque et de l’assurance, pour lequel 1 femme sur 2 est concernée. Dans le même secteur, 1 actif sur 5 avoue être l’auteur de harcèlement.
Pour autant 1 seule situation de harcèlement supposé sur 10 cas est remontée à l’employeur. Et cela, alors que 94 % des cas exposés rencontrent une action positive de la part de l’entreprise. C’est dire si la libération de la parole, de la part des victimes et des témoins est indispensable.
Comment définir le harcèlement ?
Le droit français est très clair et sévère avec les cas avérés de harcèlement. Cependant, dans ce domaine, ce sont parfois les preuves et les témoignages qui manquent. D’où l’importance de parler lorsque l’on constate des faits de ce type.
Le harcèlement sexuel
Le harcèlement sexuel est parfaitement défini dans la loi :
« Art. 222-33.-I. ― Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
« II. ― Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers »
Ces faits exposent à des peines de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Elles sont portées à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende lorsque les faits sont notamment commis sur des personnes vulnérables.
Ces situations sont non seulement inadmissibles dans la vie, mais dans le cadre professionnel, l’employeur a le devoir de les empêcher et d’agir en cas de faits avérés.
Le harcèlement moral
En droit français, le harcèlement moral est défini par l’article 222-33-2-2 du Code pénal. Selon cette disposition, il consiste à harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objectif ou pour effet de dégrader ses conditions de vie. Plus que du stress, cela se traduit par une altération de sa santé physique ou mentale. Parmi les faits qui concourent au harcèlement moral :
- Des brimades, insultes, voire des menaces
- Des tâches impossibles à réaliser
- Une communication minimale, par exemple seulement par mail
- Des consignes contradictoires, changeantes en permanence
- Une mise au placard
- …
Les peines associées à cette infraction varient en fonction des conséquences et des circonstances du harcèlement. Ainsi, pour des faits causant une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail, la peine est d’1 an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
Des peines plus sévères sont prévues, 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, dans certaines situations aggravantes, notamment lorsque l’incapacité totale de travail dépasse 8 jours, ou encore que la victime présente une vulnérabilité particulière. De même, et c’est important de le souligner, si le harcèlement a été réalisé par le biais d’un outil numérique (mail, réseaux sociaux, etc.)
Victime de harcèlement au travail : que faire ?
Le harcèlement au travail a des conséquences dévastatrices sur la santé mentale et parfois physique, mais des mesures et des ressources existent pour s’en sortir. Si vous êtes confronté à cette situation, voici des étapes à suivre pour obtenir de l’aide et agir de manière graduelle selon les réponses que vous obtenez :
1. L’employeur : selon le Code du travail, votre employeur est tenu de protéger votre santé mentale et physique. Informez-le par écrit des faits de harcèlement. Il doit agir en conséquence.
2. Institutions représentatives du personnel : les délégués du personnel ou le comité social et économique (CSE) peuvent intervenir auprès de l’employeur pour protéger votre santé au travail.
3. Médecin du travail : consulter ce professionnel est confidentiel et il peut proposer des mesures d’adaptation ou vous orienter vers une aide spécialisée.
4. Inspection du travail : signalez les abus à l’inspection du travail, en toute confidentialité, pour une éventuelle intervention.
5. Syndicats : des organisations syndicales peuvent vous apporter leur soutien et agir en votre nom, avec votre accord écrit.
En dehors de l’entreprise, plusieurs interlocuteurs sont disponibles pour vous aider : commencez ainsi par discuter avec votre médecin traitant des effets du harcèlement sur votre santé.
Le Défenseur des droits, quant à lui, est spécialisé dans la lutte contre les discriminations, et il propose des services de médiation et des conseils juridiques. Certaines associations dédiées aux victimes de harcèlement offrent aussi un soutien précieux dans vos démarches. Envisagez, si nécessaire, une médiation avec un médiateur accepté par toutes les parties concernées pour résoudre le conflit.
Si les choses n’évoluent pas, vous pouvez faire un recours devant le juge :
1. Conseil de prud’hommes : intentez une action en justice pour harcèlement moral, en présentant des preuves étayées.
2. Juridiction pénale : déposez une plainte auprès du Procureur de la République si le harcèlement est avéré.
3. Action des syndicats : ils peuvent agir en justice avec votre accord écrit pour défendre vos droits.
Témoin de harcèlement dans le cadre professionnel : comment agir ?
Être témoin d’un harcèlement n’est pas la pire des places, mais elle n’est pas enviable non plus.
Pourtant, témoigner des faits que l’on a constatés est un acte citoyen :
- Selon la structure de l’entreprise, il est recommandé de contacter le Comité Social et Économique (CSE) ainsi que le service des Ressources Humaines.
- Dans les PME ne disposant pas de ces instances, il est conseillé de se tourner en premier lieu vers l’inspection du travail pour signaler ces comportements préjudiciables.
Bien sûr, avant de signaler les faits, vous êtes en droit de discuter avec la personne victime. Cependant, ses actions à elles n’empêchent pas les vôtres. Autrement dit, il peut arriver que les personnes touchées par le harcèlement n’osent pas en parler par peur des représailles ou même par un sentiment erroné de honte. De votre côté, vous pouvez agir auprès des instances citées plus haut, même si la victime agit de son côté. Mieux, de cette façon, son témoignage a plus de poids.
Sachez que le Code du travail protège à la fois les plaignants et les témoins. Ainsi, le fait de signaler un cas de harcèlement, même si sa véracité n’est pas établie, ne peut entraîner de sanction ou de licenciement. De même, en cas de suspicion de mauvaise foi chez le témoin, c’est à l’employeur de le démontrer.
Pour que le témoignage soit crédible, le témoin doit décrire avec précision ce qu’il a observé sans nécessairement posséder des preuves matérielles, souvent difficiles à obtenir en tant que simple témoin.
Un fait pénalement répréhensible tel que le harcèlement doit, dans tous les cas, être combattu à tous les niveaux et une réparation doit être faite aux victimes.