« La santé orale est intimement liée à la santé générale »
Pouvez-vous présenter l’UFSBD en quelques lignes ?
L’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire est née de la volonté de la profession et de ses instances de rassembler tous les chirurgiens-dentistes engagés en faveur de la prévention orale. Depuis plus de
57 ans, notre engagement en faveur de la promotion de la santé bucco-dentaire et de la prévention
a naturellement donné à notre union une place singulière et pionnière. Notre mission de prévention est centrale, car pour nous, le meilleur soin reste celui que l’on n’a pas ! Voilà pourquoi depuis notre création, nos acteurs de terrain, tous chirurgiens-dentistes, partent à la rencontre des Français persuadés que « la différence se joue sur le terrain »
Vous avez comme crédo « Pas de santé sans santé orale » ? Que doit-on comprendre ?
La santé orale est intimement liée à la santé générale. Prendre soin de l’un, c’est prendre soin de l’autre. Ce lien a commencé à être documenté dans les années 90 avec un parallèle établit entre une mauvaise santé bucco-dentaire et un risque infectieux à distance, et une synergie délétère dans de pathologies ou inflammatoires. Depuis, de plus en plus de travaux menés confirment une incidence sur des pathologies chroniques de type diabète, maladies cardiovasculaires, arthrite, etc. et même un lien avec la durée de vie. Nous avons de plus en plus d’arguments qui le démontre et cela nous motive encore davantage à renforcer la place de la prévention bucco-dentaire dans le parcours santé de chacun !
Face à des pathologies bucco-dentaires évitables, quelles sont les recommandations principales que vous pourriez donner à nos adhérents ?
La majeure partie des pathologies sont d’origines bactérienne, pour les prévenir nous avons 4 piliers. Le premier c’est le brossage des dents deux fois par jour matin et soir durant deux minutes, sans oublier le nettoyage des espaces interdentaires avec du fil et/ou des brossettes. Cela va permettre de désorganiser la flore bactérienne buccale pour qu’elle soit dans une phase inoffensive. Ensuite l’utilisation d’un dentifrice fluoré permet de protéger les dents en rendant l’email plus solide, il reminéralise aussi la surface des dents exposés à l’acidité, joue un rôle sur la maitrise de la flore bactérienne. L’alimentation a aussi un rôle important sur le développement bactérien, en limitant les prises alimentaires à 3 ou 4 par jour et en réduisant la quantité de glucides et acides consommés. Bien sûr le dernier pilier est la visite annuelle chez votre dentiste pour préserver votre capital dentaire, et ce tout au long de votre vie. Adopter les bons gestes dès le plus jeune âge permet d’en faire une routine santé quotidienne pour la suite.
Pensez-vous que ces messages ne sont pas déjà bien intégrés ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les Français ne se brossent les dents que 56 secondes, beaucoup n’ont pas encore intégré les deux brossages quotidiens et le nettoyage interdentaire. 4 Français sur 10 ne se rendent toujours pas chez le dentiste annuellement alors que la visite et les soins conservateurs sont entièrement pris en charge. La carie reste encore trop présente dans les populations les plus fragiles et près d’un adulte sur deux souffre de maladies parodontales que l’on peut qualifier comme le mal du siècle !… Beaucoup de facteurs peuvent expliquer une hygiène dentaire dégradée : l’utilisation de dentifrice sans fluor qui doit faire face à de nombreuses fake news, le fait de se brosser uniquement ses dents en oubliant ses gencives, passer moins de deux minutes par brossage, oublier régulièrement de se brosser les dents notamment en vacances ou le week-end, faire l’impasse sur le nettoyage interdentaire, avoir une consommation trop sucrée, trop acide… . . Enfin, certaines personnes ont une bonne hygiène dentaire quotidienne mais grignotent au cours de la journée. La reminéralisation des dents n’a alors pas le temps de se faire entre deux prises alimentaires.
Quelles sont pour vous les priorités en termes de prévention bucco-dentaire et ce pour chaque âge de la vie ?
Un exemple de réussite : le programme M’T dents dédié aux enfants, lancé en 2007 par l’Assurance Maladie, a permis de changer la situation. Au début, moins d’un enfant de six ans sur trois avait consulté un dentiste. Aujourd’hui, nous sommes à 80 %. Il faut encore aller chercher les derniers pourcentages d’où la nécessité d’agir hors cabinet dans les écoles. Porté par une vaste campagne de communication, ce type de dispositif global mené hors et dans les cabinets dentaires permet d’informer, d’éduquer, de dépister, d’orienter vers le cabinet tout en étant pris en charge par un système de couverture sociale. Les mesures rencontrent d’autant plus de succès quand les professionnels de santé sont accompagnés pour les mettre en œuvre.
Désormais, notre défi est d’obtenir le même succès auprès des enfants de 3 ans. Le capital dentaire est à préserver dès le plus jeune âge. C’est primordial… mais cette prévention est à mener à bien d’autres moments jusqu’à la Dépendance car la qualité de vie doit être “sanctuarisée” à tous les âges de la vie !
Dans le cadre des négociations conventionnelles, l’UFSBD a soumis 15 propositions aux partenaires conventionnels*. Nous y évoquons, entre autres, un enjeu fort pour la population adulte : les pathologies parodontales. Autour de 30 ans, il peut y avoir une bascule. La création d’un examen bucco-dentaire et éducatif permettrait d’identifier les risques et d’agir en prévention. A 55 ans, la maladie parodontale est potentiellement installée et des pathologies chroniques aux effets délétères peuvent apparaître. Il faut les dépister, les prendre en charge et réaliser un bilan des besoins prothétiques.
Il y a également un enjeu fort lié au vieillissement de la population. Les données de l’Assurance Maladie montrent qu’à partir de 65 ans, le recours au chirurgien-dentiste diminue progressivement. Le vieillissement mobilise différentes problématiques de santé dans lesquelles le dentaire n’apparaît pas, à tort, comme primordial. De nombreuses études montrent pourtant que la préservation du lien avec le cabinet dentaire est un facteur d’autonomie. C’est le premier lien rompu avec le monde médical. Il faut sensibiliser les patients autonomes, les familles et les autres professionnels de santé sur ce sujet. Une campagne du type MT Dents version senior et la création d’un examen bucco-dentaire à 70 ans auraient du sens.
L’UFSBD gardera son rôle d’aiguillon des politiques de santé publique, des professionnels de santé et du grand public tant que la place de la santé bucco-dentaire ne sera pas une évidence pour tous !
* Les propositions de l’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire dans le cadre de la négociation conventionnelle sont consultables sur ufsbd.fr.